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Les billets d'humeur d'Eric

Episode 2

En fin de premier billet, vous m'aviez laissé en équilibre instable tel un funambule sur sa corde tendue.  

Cela m'a rappelé un conseil d'un de mes collègues Praticiens Hospitaliers lorsque j'étais encore jeune Assistant. Il me disait qu'il fallait éviter 2 écueils lors d'une consultation d'annonce :

1°) Ne pas être trop démoralisant (à la façon d'un Dante médical : "vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance").

2°) Ne pas montrer trop d'optimisme non plus (la fameuse "gentille leucémie" que j'avoue ne jamais avoir rencontrée).  

Le but ultime de l'annonce serait donc de dépeindre la situation actuelle de façon la plus neutre possible, en expliquant ce qui est certain (le nom de la maladie, les risques immédiats et plus lointains, la nature des traitements), tout en laissant toujours une part d'incertitude (quant à la réponse au traitement et aux chances de guérison, au risque de rechute, à la manière qu'aura l'enfant de réagir à l'hospitalisation, aux soins, à l'éviction scolaire, etc.)  

Pour atteindre ce but, il faut avoir des certitudes (principalement un document officiel confirmant la maladie de l'enfant, le plus souvent sur une analyse de cellules ou de tissus). Je me rappelle par exemple l'incertitude initiale concernant Valentin (qui avait des signes orientant vers un neuroblastome ou une leucémie aiguë), et pour lequel cette possible confusion avait été compliquée à expliquer à ses parents.  

Il est également capital qu'il y ait une forme de tutorat (j'ai longuement été simple spectateur d'une consultation d'annonce, pendant ma première année d'assistanat, avant que mon supérieur ne m'autorise à mener l'entretien sous sa supervision, pour finalement me laisser ensuite mener seul ces entretiens). Il est important de comprendre que ce n'est pas un cours magistral donné à des étudiants, mais une restitution fidèle, avec des termes compréhensibles, de la situation médicale d'un l'enfant, dont les parents n'ont parfois jamais entendu parler de cancers pédiatriques.   

A titre d'exemple, les cancers pédiatriques touchent 1 enfant sur 440, de la naissance à 15 ans. La maladie de Valentin (le neuroblastome) représente presque 10% de ces cancers, soit environ 150 cas annuels en France, dont près de la moitié survient avant l'âge de 2 ans (n'oublions pas que le nombre annuel de naissances en France est de près de 750000). On comprend aisément pourquoi le neuroblastome ne figure pas en première page des quotidiens et pourquoi une annonce de ce type de maladie est vécue par les parents comme "un coup de tonnerre dans un ciel serein".  

Mais dans la réalité des faits, les parents sont-ils vraiment toujours sereins ? Ou ont-ils déjà une intuition de la gravité potentielle du mal étrange qui semble récemment toucher leur enfant, modifiant jusqu'à son comportement quotidien ?

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